ps chevilly larue
Alain Bergounioux, historien et conseiller aux relations avec les fondations et aux revues

Socialistes et syndicalistes, si lointains, si proches

vendredi 6 mars 2009

Souvent tendues, toujours complexes, les relations entre mouvements syndicaux et Parti socialiste sont traversées par des lignes de force certes différentes, mais complémentaires. Récit d’un siècle et demi de luttes communes, avec Alain Bergounioux, historien et conseiller aux relations avec les fondations et aux revues.

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Quand l’idée d’un rapprochement entre syndicalisme et socialisme se fait-elle jour ?
Il faudrait inverser la question. Jusqu’en 1870, il existe en effet une grande proximité entre syndicalisme et socialisme. En octobre 1876, s’ouvre ainsi à Paris le premier Congrès ouvrier, bientôt suivi d’un second, à Lyon, en 1878, auquel participent des délégués des chambres syndicales ou à défaut d’associations ouvrières. S’ensuit la création de la Fédération du Parti des travailleurs socialistes de France (FPTSF).
Des lignes de forces s’affirment peu à peu. Les Guesdistes sont convaincus ainsi qu’il incombe au Parti de coordonner les luttes et que le syndicalisme n’est qu’un moyen parmi d’autres pour impulser le changement. De leur côté, les syndicalistes sont partagés entre une tendance réformiste - qu’on retrouve notamment chez les hommes du livre et les mineurs -, qui défend les intérêts corporatistes du monde salarial, et une frange anarcho-syndicaliste, convaincue que la Révolution socialiste ne peut venir que de l’entreprise.

La seconde phase de l’histoire du syndicalisme révolutionnaire commence en 1906, au congrès d’Amiens, où la CGT affirme son indépendance et son hostilité à la politique de la SFIO. Comment en est-on arrivé là ?
Deux visions coexistent : d’un côté, la CGT se reconnaît dans le syndicalisme révolutionnaire, résumé dans la Charte d’Amiens ; de l’autre, la SFIO se fond dans le parlementarisme. Cette différence d’appréciation n’empêche nullement des rapprochements. Jaurès plaidera d’ailleurs toujours pour une reconnaissance du fait syndical, en prêchant l’unité autour de grandes revendications sociales. En 1914, les socialistes seront ainsi étroitement associés au mouvement ouvrier. Au-delà d’un sentiment de défiance vis-à-vis du parlementarisme, de nombreux syndicalistes se risqueront, à leur tour, dans la sphère politique.

Comment la situation évolue-t-elle à l’issue de la Grande Guerre ?
Cette période est marquée par l’émergence du Parti communiste. En 1921, la CGT connaît une scission entre une branche héritière du syndicalisme révolutionnaire, qui adopte progressivement une posture réformiste dans les pas de Léon Jouhaux, et la CGTU, liée au PC et qui parvient à capter une partie de l’héritage du syndicalisme révolutionnaire, sous l’égide de Benoît Frachon.
Cette division ne fera que s’accentuer après l’apparition, en 1919, de la CFTC, jusqu’au Front populaire. Ce qui n’empêchera pas les socialistes de se faire les chantres de l’indépendance syndicale pour lutter contre la mainmise communiste sur la CGTU.

Des coopérations politiques et syndicales se font jour dans les années 30…
Oui. La réunification de la CGT intervient en mars 1936, au terme de longues négociations. La Confédération est signataire du programme du Front Populaire qui rassemble, dans un même élan, les partis de gauche, le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes et de nombreuses associations. Cependant, elle ne participe pas au gouvernement Blum, en dépit des appels du pied du chef de file socialiste.

Comment ces relations ont-elles évolué ?
La Seconde Guerre Mondiale est marquée par un nouvel éclatement des forces syndicales qui ne retrouveront leur unité qu’à la faveur de la Résistance. En 1943, les éléments de la CGT réformistes et communistes se regroupent à nouveau, tandis que la CFTC fonde sa légitimité sur son indépendance.
Après le conflit, le pluralisme syndical est réaffirmé. Cette tendance se confirme par la naissance, en octobre 1944, de la CGC. Elle ne cessera de s’amplifier après 1948, au travers de l’éclatement de la CGT et de l’émergence de Force ouvrière (FO) et de la Fédération de l’éducation nationale (FEL).
Si la CGT domine ensuite le monde ouvrier, elle n’en perd pas moins de son influence dans la fonction publique. La SFIO prend acte de cette scission et du combat que mène FO pour l’indépendance syndicale. Elle doit également composer avec une troisième force, la CFDT, ce qui lui vaudra de se rapprocher de la FEN et du Syndicat national des instituteurs (SNI, puis SNI-PEGC à partir de 1976), au-delà des tentatives d’un front unitaire.

Propos recueillis par Bruno Tranchant

Changement de cap

Les années 70 et l’après-Épinay marquent l’entrée dans une nouvelle ère. Jusqu’alors, socialistes et membres de la SFIO entretenaient des relations complexes, voire même tendues avec le mouvement syndical. « D’un côté, la CGT obéissait aux injonctions du PC, de l’autre, subsistait l’idée d’un syndicalisme plus critique vis-à-vis des partis de gauche », résume Alain Bergounioux.
Ce n’est qu’après que des relations de confiance s’établirent à nouveau. « Les dernières interventions du PS dans le champ syndical se tinrent au milieu des années 70, lorsque François Mitterrand et une majorité de socialistes prirent parti dans la lutte de tendance propre à la FEN pour soutenir les syndicalistes qui leur étaient proches », poursuit l’historien. La période qui suivit se traduisit un changement de cap radical. Tout le monde pris acte de l’autonomie syndicaliste. Au point que la CGT prit ses distances avec le PCF. « Dès lors, la concertation allait dominer dans les rapports entre partis politiques et mouvements syndicaux, poursuit Alain Bergounioux. Et il n’existe plus, du point de vue des socialistes, d’imbrications de part et d’autre de l’échiquier. Nous en sommes aujourd’hui au stade des revendications. Il ne s’agit plus de réunir derrière une même plate-forme programmatique des organisations différentes. Chacune possède un champ d’action qui lui est propre, dans le respect mutuel ».

B.T.


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