1er mai 1936 :
À 48 heures seulement de l’élection de la première coalition républicaine de centre gauche - le Front populaire -, l’enthousiasme est de mise. D’autant que cinq jours plus tôt, le 26 avril, le premier tour des législatives a mis les formations politiques constitutives de ce rassemblement en position de l’emporter. Ce, deux mois à peine après le congrès confédéral de Toulouse (2-5 mars) qui a entériné la réunification de la CGT et de la CGTU, co-signataires du rassemblement populaire. Pour éviter toute provocation inutile, la CGT ne prend pas part au cortège.
Aussitôt élu, le gouvernement présidé par Léon Blum prend des mesures historiques pour les travailleurs, à commencer par la semaine de 40 heures, les deux premières semaines de congés payés et la reconnaissance du droit syndical qui marqueront durablement les esprits.
1er mai 1946 :
Au lendemain de la guerre, la gauche appelle la classe ouvrière, en proie à des conditions de vie difficiles, à se mobiliser massivement. La menace d’une reprise des hostilités agite les esprits. Nombreux sont ceux qui pensent qu’un nouveau conflit est possible et qu’il affaiblirait considérablement les plus démunis.
Après l’effondrement du front intérieur allemand, il s’agit donc de manifester la solidarité aux salariés de tous pays - vainqueurs ou vaincus - pour retrouver le chemin de la lutte de classe. Le 1er mai est à cet égard un moment fort dans la reprise des luttes revendicatives, d’autant que les illusoires augmentations de revenus, suivies de près par le blocage des salaires, n’ont fait que cacher la dévaluation, l’augmentation du coût de la vie et les restrictions alimentaires. Le message est clair : mobiliser la classe ouvrière contre le capitalisme et un nouveau conflit, au-delà même de nos frontières.
1er mai 1968 :
Depuis 1954 et le début de la guerre d’Algérie, toute manifestation était interdite à Paris, par crainte d’attentats dans la capitale. Le défilé du 1er mai n’échappe pas à la règle. Le verrou saute en 1968. Ce qui vaut à la population d’investir massivement les rues pour la première fois depuis quatorze ans. De nombreuses délégations étrangères sont de la partie, comme celles du Nord Vietnam ou du FLN.
De la République à la Bastille, le défilé commun CGT-PCF-PSU marque l’unité des salariés. Conjuguée à la révolte étudiante, elle fera plier le gouvernement quelques semaines plus tard.
1er mai 2002 :
Cette année-là, les manifestations de la Fête du Travail ont une connotation particulière entre les deux tours de l’élection présidentielle. La présence, au second tour, du candidat du FN, Jean-Marie Le Pen, soulève les passions. La colère gronde dans ce qui sera l’un des rassemblements les plus importants depuis la Libération.
Le même jour, les manifestants commémorent la disparition de Brahim Bouarram, jeté dans la Seine le 1er mai 1995, en marge d’un défilé du FN. L’émotion est à son comble. Seul un sursaut citoyen peut éviter le pire. Les résultats du 5 mai ne feront que confirmer l’ambiguïté de ces élections présidentielles.
Bruno Tranchant