ps chevilly larue

Jaurès et la République socialiste

D’après une communication de Madeleine Rébérioux dans le cadre de la Commission Histoire du Parti, 1996.

jeudi 13 novembre 2008 par B.TRANCHANT

Sous l’influence de Jean Jaurès, la SFIO pense que l’émancipation doit s’appliquer à l’ensemble de la société et pas seulement au monde ouvrier. Elle défend donc le principe du suffrage universel, en posant d’emblée la question de l’organisation. Un entretien avec Jean-Marcel Bichat, Délégué national à l’Histoire, auprès du Premier secrétaire.

Avant 1914, il existe, au sein de la famille socialiste française, un courant remettant en cause le principe même du suffrage universel et du régime représentatif. Comment cette contestation s’exprime-t-elle ?
Dans les années 1880, le suffrage apparaît en effet à certains comme impuissant sous le règne du capitaliste. C’est, aux yeux de Jules Guesde ou d’Edouard Vaillant, une apparence, qui laisse en fait le pouvoir réel aux mains du marché. Cette critique, qui distingue socialistes et radicaux, s’estompe dans les années 1890, après les premières victoires électorales, dont celles des législatives de 1893 et des municipales de 1892 et 1896, qui permettent à la gauche socialiste de disposer de points d’appuis pour les conquêtes ouvrières.

Une nouvelle critique est exprimée par le socialiste, Hubert Lagardelle, qui se réclame du syndicalisme révolutionnaire, au congrès de Toulouse de la SFIO en 1908…
Il est effectivement convaincu que le suffrage universel accentue l’atomisation de la société. C’est un suffrage bourgeois qui privilégie le règne du chacun pour soi. Il ne peut en aucun cas être confondu avec les objectifs d’un mouvement socialiste ouvrier, qui doit rassembler des individus jusque-là isolés.
La SFIO pense toutefois à une large majorité et avec Jaurès que l’émancipation doit s’appliquer à l’ensemble de la société et pas seulement au monde ouvrier. Elle défend donc le suffrage universel, en posant la question de l’organisation. Le PS, qui se définit comme un instrument du politique, doit le structurer en organisant les candidatures et en élaborant un certain type de parti.
Entre 1898 et 1901, Jaurès puise son inspiration dans le modèle du Parti ouvrier belge qui parvient à rassembler des adhérents par le biais de cercles politiques, de mutuelles, de syndicats et de coopératives. Il entend ainsi faciliter l’intégration des électeurs et des militants ouvriers. Il est par ailleurs convaincu que l’unité doit se faire à l’échelle départementale. Le PS se veut le parti de l’ensemble des travailleurs organisés. Ce projet échoue toutefois, car les socialistes français s’unissent autour du politique, et du politique seul, à la notable exception du département des Ardennes, sous l’influence des Allemanistes et de Jean-Baptiste Clément.

La question de l’exercice du pouvoir est-il un problème en soi ?
Non. La présence d’Alexandre Millerand dans le gouvernement Waldeck-Rousseau de 1899 choque peu, à l’exception des Guesdistes et d’Edouard Vaillant qui voient dans son collègue, le général de Galliffet, le pourfendeur de la Commune de Paris. « L’affaire Millerand » porte plus sur la question de l’autorisation que le Parti doit donner avant toute participation gouvernementale, que sur la présence même des socialistes au pouvoir.
À ces débats se combine une vision particulière de la démocratie. Pour Jaurès, en effet, la démocratie représentative ne peut être en soi une réponse aux attentes des ouvriers et de l’électorat socialiste. La question de la démocratie directe reste posée. Au motif que les travailleurs ne se sentent pas représentés correctement, Jaurès prône de fréquents comptes-rendus de mandats. Il montre l’exemple en se rendant toutes les trois semaines à Carmaux, dans sa circonscription du Tarn. L’élu doit rendre des comptes, clame-t-il, même s’il n’exerce pas de mandat obligatoire. Pour faire barrage aux allemanistes qui en font leur cheval de bataille, Jaurès se réfère à la Révolution Française pour réaffirmer que l’élu est un représentant de la Nation.

Cette représentation de la Nation ne peut cependant se limiter aux seules élections…
De 1895 à 1903, le groupe socialiste à la Chambre dépose plusieurs propositions de référendum participatif. De l’avis de Jaurès, la démocratie est une manière d’être présent dans toutes les couches sociales populaires, même si le prolétariat ouvrier en constitue la base. Le terme même est toujours associé à des adjectifs. Il est alors question de démocratie ouvrière, rurale, sociale… À cela s’ajoute une définition évolutive de la classe ouvrière. Le terme de salariat apparaît, en même temps que croissent les services et que se développe la fonction publique. La naissance d’une société salariale s’accompagne de revendications nouvelles dont le droit à la syndicalisation. C’est dans ce milieu que les socialistes vont trouver une part importante de leur électorat.

Propos recueillis par Bruno Tranchant

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