Rencontre avec : Jean-Marcel BICHAT, délégué national en charge de l’Histoire, auprès du Premier secrétaire
Blum, ou l’éternel retour
mercredi 31 mars 2010 par B.TRANCHANT
Au lendemain de la guerre, Léon Blum (1872-1950) se lance à corps perdu dans un travail de réflexion, avant d’hériter, à la fin de l’année 1946, de la présidence du gouvernement provisoire et de se retirer serein et apaisé. L’analyse de Jean-Marcel Bichat, délégué national en charge de l’Histoire, auprès du Premier secrétaire.
Comment Léon Blum vit-il son retour de captivité, en mai 1945 ?
Il reprend les principaux thèmes de À l’échelle humaine, sa dernière grande œuvre écrite en prison, de février 1941 au printemps 1942. C’est un travail de réflexion sur la défaite, une certaine autocritique et un appel à la réforme intellectuelle et morale. Blum continue de voir dans le socialisme une religion, une sagesse, une vertu. Il est convaincu de la nécessité de revenir à l’apostolat, la conquête spirituelle, la pureté de son inspiration primitive.
Quand prononce-t-il son premier discours d’après-guerre ?
Le 20 mai 1945, lors d’une conférence des secrétaires des fédérations socialistes, quelques jours seulement après les élections municipales placées sous le signe d’une alliance de Front populaire. Les socialistes ont enregistré d’importants succès et l’atmosphère est à l’euphorie. Blum déclare : « Je l’ai dit dans le premier article que j’ai publié dans le Populaire, jamais nous n’attacherons trop d’importance à l’assainissement moral de ce pays. Depuis huit jours que j’ai touché à nouveau le sol de la France, j’avoue que je suis plein de déceptions et de soucis à cet égard. Je ne trouve pas ce que j’attendais. J’attendais quelque chose qui fût, à la fois épuré trempé et, sous bien des rapports, j’ai l’impression de me retrouver au milieu d’un pays, comment dire, corrompu. Je n’ai pas le sentiment que la France ait encore retrouvé sa vie normale. Je n’ai pas le sentiment qu’aucune des fonctions vitales du pays ait encore retrouvé sa forme normale ».
Le socialisme humaniste de Blum ne fait pourtant pas l’unanimité dans le parti. Il est même mis en accusation… Selon ses détracteurs, l’abandon de la doctrine aurait en effet entraîné l’affaiblissement de la SFIO face au PC et les déconvenues électorales d’octobre 1945 et de juin 1946. En 1946, comme avant la guerre, l’influence de Blum à l’intérieur du parti est minime. Il bénéficie toujours d’une autorité intellectuelle et morale, du prestige supplémentaire que lui confère sa captivité, mais il n’a pas l’appareil en main. Au Congrès national d’août 1946, le rapport moral du Secrétaire général, Daniel Mayer, qui passait pour être son homme de confiance et qui avait organisé la SFIO clandestine, pendant la guerre, est repoussé par une large majorité. Dès lors, Daniel Mayer est remplacé par Guy Mollet qui représente la gauche et l’extrême gauche du parti.
S’ensuit la nomination de Blum à la présidence du gouvernement provisoire…
Il n’occupera ce poste que brièvement, fin 1946, avant l’instauration de la IVe République et l’arrivée, à la présidence, de son ami Vincent Auriol. Mais, après sa défaite au congrès, il quitte toutes ses fonctions, à l’exception de celle qu’il occupe au Populaire où il continue d’écrire des articles, de Jouy-en-Josas où il s’est retiré et où il meurt, le 30 mars 1950.
Comment vit-il la fin de son existence ?
Les témoignages décrivent un homme serein, apaisé, heureux. Julien Cain, qui sera administrateur général de la Bibliothèque nationale, directeur général des bibliothèques et président de la Société des amis de Léon Blum, nous a laissé ce portrait émouvant : « Une des dernières fois qu’il me fut donné de voir Léon Blum, dans cette pièce douce et studieuse qui s’ouvrait sur une large bande de ciel au-dessus d’un jardin solitaire, il me dit en riant : « Je travaille depuis 75 ans, il est vraiment temps que je me repose ». Il avait près de 78 ans et avait su lire à 2 ans. Se reposer, c’eut été rouvrir des livres, reprendre les Mémoires de Madame du Deffand (…), se replonger dans ce dix-huitième siècle dont il savait qu’il commence avec Saint-Simon et qu’il finit avec Stendhal, et dont nul mieux que lui n’avait subi et sondé la profondeur véritable. »
Propos recueillis par Bruno Tranchant
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