INTERVIEW
« Au libre-échange, nous opposons le “juste échange” »
L’analyse d’Henri Weber, député européen.
mardi 19 mai 2009 par B.TRANCHANT
Quel sens faut-il accorder au scrutin du 7 juin ?
Nous avons l’opportunité de changer de majorité. Les populations européennes font porter, à juste titre, la responsabilité de leurs difficultés sur leurs gouvernants. Or, 19 États sur les 27 que compte l’Union se situent à droite de l’échiquier politique. Il est donc tout à fait possible de voir se reproduire ce qui s’est déjà passé aux États-Unis, avec la défaite des Républicains, et en Islande, via l’échec historique de la droite, au travers de votes sanction contre la Commission européenne dirigée par José Manuel Barroso. Lequel s’est signalé par sa grande passivité face à la crise et l’inefficacité des mesures engagées par ses pairs. En témoigne le recul prévisible de la production (- 4 %) et l’augmentation généralisée du chômage partout en Europe (+ 4,5 millions de sans emploi). Preuve que notre dénonciation des « pseudo plans » élaborés ici ou là est confirmée par les chiffres. Et que la droite porte l’entière responsabilité de cette situation. Elle doit être sanctionnée, le 7 juin, au profit des socialistes.
N’y a-t-il pas un risque de voir les représentants du Parti socialiste européen (PSE) partir en ordre dispersé ?
Aucun socialiste n’est sur la ligne Barroso. Et tous sont ralliés au Manifeste. Au terme de deux années de travail acharné, nous avons adopté un programme commun de gouvernement des 27 États-membres. Il comporte 71 mesures, chiffrées et évaluées. Nous sommes donc prêts à prendre nos responsabilités, dès le 8 juin. Ce, même si des divergences apparaissent sur la présidence de la Commission. Il faut cependant bien distinguer gouvernements et partis qui obéissent à des impératifs différents. Si une majorité socialiste se dégage au Parlement de Strasbourg, le président de la Commission sera lui aussi socialiste. Cela ne fait aucun doute !
Les adversaires du Traité de Lisbonne, dont la vocation est de changer le rapport de forces à gauche,reprochent aux socialistes leur manque d’ambition sociale. Que leur répondez-vous ?
Le Manifeste comporte un volet de réformes sociales très ambitieux, de l’instauration d’un Smic égal à 60 % du salaire médian, à l’allongement de la période d’indemnisation du chômage, en passant par la création d’une directive garantissant la pérennité et le développement des services publics en Europe. Nous entendons également conditionner l’aide publique aux entreprises en fonction des négociations passées avec les syndicats sur l’emploi et les salaires. Au libre-échange, nous opposons le « juste échange », incluant des normes environ- nementales et sociales dans les contrats commerciaux. Il s’agit là du moyen le plus sûr pour lutter contre le dumping social, fiscal, monétaire ou environnemental. C’est notre conception d’une Europe qui protège, sans pour autant céder à la tentation du plus offrant.
Propos recueillis par Bruno Tranchant