ps chevilly larue

Plaidoyer en forme d’espérance

lundi 28 novembre 2011 par B.TRANCHANT

Laurent Bouvet, professeur de Science politique, François Kalfon, Secrétaire national délégué aux études d’opinion et Conseiller régional d’Ile-de-France, et le sociologue Camille Peugny étaient les invités d’Emmanuel Maurel, Secrétaire national en charge des Universités permanentes et d’été, dans le cadre des Entretiens de Solferino, le 23 novembre, autour du livre « Plaidoyer pour une gauche populaire » (Le Bord de l’Eau, 2011).


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Quelques mois seulement avant l’élection présidentielle, la question des catégories sociales auxquelles le candidat socialiste devra prioritairement s’adresser pose clairement question. Au point de constituer la toile de fond des positions qui devront nécessairement être prises dans les domaines économique, social et sociétal. Le défi ne manque pas de piment, d’autant que ce vivier renferme plusieurs millions de français qui se sentent aujourd’hui négligés et se rallient de plus en plus aux options populistes.
Difficile, dans ces conditions, de décliner une offre politique capable de répondre aux attentes de ces populations confrontées à la montée en puissance de la précarité, la baisse du pouvoir d’achat et la peur du déclassement. Ce que démontrent parfaitement Laurent Baumel, Laurent Bouvet, François Kalfon et Camille Peugny, dans un ouvrage collectif appelé à devenir une véritable référence. « De qui parle-t-on ?, s’interroge d’emblée Emmanuel Maurel. Quels sont les contours de ce peuple de gauche ? Quid de ses attentes, de ses aspirations et de ses angoisses ? La peur du déclassement, le besoin de protection et de redistribution sont ici prégnants. Comment la gauche peut-elle faire pour retrouver le sens du peuple ? »
Ce livre pose donc des jalons. Et les bases d’une réflexion politique. « La participation électorale est déclinante, du fait du désengagement des classes populaires, rattrapées par l’insécurité économique et la crise, déplore François Kalfon. À condition sociale équivalente, la cartographe électorale révèle de fortes disparités. Suivant que l’on se trouve dans des territoires qui subissent ou non la désindustrialisation et un fort taux de chômage, la situation varie du tout au tout. » Les plus déshérités sont le plus souvent perdus pour la gauche, à commencer par la jeunesse dont la participation électorale reste pour le moins aléatoire. S’ajoute à cela la perte du lien organique avec le Parti socialiste et les organisations syndicales. « Là où le PS était présent dans l’entreprise, le lien s’est distendu. Et les cadres, autrefois très présents dans les GSE, ont peu à peu disparu. » L’atomisation du travail, la montée en puissance de l’aide sociale ajoutent au malaise. « Il nous appartient donc de rendre à la question du travail, des salaires, de la fiscalité et de la fracture territoriale toute sa place », renchérit François Kalfon. Avec l’ambition de mettre à mal ce sentiment de malaise et d’insécurité propre aux plus défavorisés.
Autre préoccupation, l’éducation. « Les voix de mobilité sociale sont totalement bouchées, fulmine Camille Peugny. La méritocratie à l’école n’est malheureusement plus qu’un sujet statistique. Il y a pourtant urgence à juguler les inégalités scolaires qui touchent au premier chef les plus nécessiteux. L’école est un instrument qui devrait pourtant permettre à la République de s’exprimer pleinement. C’est un principe régulateur d’égalité, un moyen de répondre au malaise des classes populaires. »
Si l’âge moyen des fils d’ouvriers s’est élevé, les inégalités n’en demeurent pas moins criantes. Elles se déplacent et se recomposent. Les plus fragiles, parmi nos concitoyens, se replient sur des filières moins porteuses. Sous couvert de massification, une majorité de jeunes issus des milieux populaires disparaît prématurément du cursus universitaire. « Chacun s’accorde à reconnaître que l’essentiel de l’effort doit être porté dès l’école primaire, veut croire le jeune sociologue. Avant d’appeler à la (re)création de postes d’enseignants et d’éducateurs, dès lors que la situation l’exige. « Il s’agit aussi de lutter contre l’élitisme, en agissant sur les premiers cycles universitaires et en luttant contre les politiques de discrimination positive au compte-goutte. Ceux qui n’ont pas suivi les canons d’une scolarité linéaire sont exclus et se voient refuser une seconde chance. » D’où la nécessité de multiplier les moyens de formation tout au long de la vie. « Dans l’entreprise comme à l’école, la méritocratie n’existe plus !, tempête Peugny. S’ensuit une progression inexorable du déclassement et une paupérisation accrue des classes moyennes. »
Au-delà du constat, la responsabilité du Parti est engagée. Les classes moyennes qui ont porté, en leur temps, François Mitterrand au pouvoir se sont senties subitement abandonnées. Les politiques publiques, l’école, la culture, la construction européenne et les choix qui en découlent ont eu une incidence directe sur elles. « Les dérives étaient déjà perceptibles dans les années 80, note Laurent Bouvet. Peu à peu, le peuple a été réduit à la banlieue. L’école, cœur battant de notre histoire commune, la République, la question ô combien essentielle de l’égalité ont disparu du discours socialiste. » La diversité sociale et la prise en compte des catégories populaires ont progressivement été remplacées par les représentants de la diversité qui ont investi les plateaux de télévision.
Revalorisation du travail manuel et industriel, rôle des GSE, méritocratie, pouvoir des syndicats… Les questions fusent de toute part. Réhabiliter le secteur « entreprise » du Parti ? « Commençons donc par parler aux entreprises !, clame François Kalfon. Au-delà de la question du Smic et des restructurations qui posent question, les classes populaires attendent un autre discours. Celui de la formation tout au long de la vie, par exemple. Une autre vision du monde entrepreneurial s’impose, moins négative et moins restrictive que celle qui prévaut aujourd’hui. Le constat vaut également pour le travail et l’industrie qui construit des énergies du futur, outre-Rhin. Cessons donc de parler de l’entreprise fantasmée, revenons à l’entreprise réelle. »
« Faute de réponses appropriés, le PS doit se tourner vers de nouvelles synthèses électorales, prévient Camille Peugny. « Un parti ne se résume pas à un rassemblement d’intellectuels, il réunit citoyens et catégories populaires autour d’un même dessein, affirme Laurent Bouvet. En un mot, celles et ceux qui ne cessent de s’en éloigner. Il nous faut redéfinir les contours d’un discours pour ceux auxquels Sarkozy a menti, qui parcourent jour et nuit de nombreux kilomètres pour faire des heures de ménage. Et en finir, une bonne fois pour toute avec le funambulisme ! » CQFD. _
Bruno Tranchant


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