Favoriser l’émergence d’une intercommunalité de projet à Chevilly-Larue
dimanche 19 avril 2009 par B.TRANCHANT
À l’heure où le chef de l’État et son Secrétaire d’État, Christian Blanc, tentent de prendre la main sur l’affaire du Grand Paris et l’avenir du territoire francilien, nous vous livrons notre propre grille de lecture sur la mise en œuvre d’un Pôle Orly-Rungis, dans le cadre de la présente mandature.
I - État des lieux :
Ne nous y trompons pas. La grande offensive menée par la droite contre le projet de Schéma directeur d’Ile-de-France (SDRIF), au prétexte qu’il traiterait de questions qui ne sont pas du ressort de la Gauche, mais de celui de l’État, marque une nouvelle étape dans la polémique qui oppose le gouvernement et les collectivités territoriales, majoritairement acquises à la cause de l’opposition depuis les dernières élections municipales. L’enjeu est de taille, d’autant que ce document fixe les orientations urbaines de l’Île-de-France pour les vingt prochaines années. Le président du groupe majorité présidentielle du Conseil régional ne s’y est d’ailleurs pas trompé, en mobilisant ses troupes contre le Schéma directeur, préparant ainsi le terrain, en perspective des régionales de 2010.
Pour l’heure, nos élus ne sont pas disposés à laisser Nicolas Sarkozy et le gouvernement s’approprier le débat sur le Grand Paris et, au-delà, sur l’aménagement de l’Île-de-France. En renouvelant, en septembre 2007, son souhait de voir émerger un nouveau projet global sous l’égide de l’État, le président de la République a incité Jean-Paul Huchon et Bertrand Delanoë à parler d’une même voix sur le sujet. En clair, l’aménagement de l’espace francilien est bien du ressort des édiles qui ne se laisseront pas imposer les vues de l’État, conformément aux lois de décentralisation qui les confortent dans ce rôle.
Sur le Grand Paris, le maire de la capitale et le président du CRIF paraissent désormais d’accord sur la manière de mener le débat. Reste, toutefois, à se prononcer sur les scénarii, les périmètres et les compétences possibles. Sans parler des ressources fiscales affectées à la future structure intercommunale qui mettent en lumière les difficultés de cohabitation entre collectivités. Qui de la ville-centre, de l’agglomération, des départements de la petite couronne et de la région tirera son épingle du jeu ? Côté avantages, on trouve la coordination des politiques en matière de transports, de logement, de développement économique, via la mise en œuvre d’une fiscalité propre. Côté inconvénients, on crée une structure supplémentaire qui complique singulièrement l’existant, au risque de rendre plus illisible encore la répartition des compétences entre les différentes collectivités.
Au-delà de ce constat, la question ravive la polémique sur le rôle des départements. Des élus de plus en plus nombreux, et disons-le majoritairement de droite, proposent, sur le pas du sénateur de Seine-Saint-Denis, Philippe Dallier, de supprimer les conseils généraux de Paris et de la petite couronne (92, 93 et 94), pour peu que le Grand Paris recouvre l’aire géographique desdits territoires. Ce que d’autres refusent catégoriquement, au prétexte qu’une structure centrale ne saurait se substituer aux départements et à la Région. Longtemps hostile au projet, Jean-Paul Huchon se montre aujourd’hui plus nuancé, même s’il refuse avec raison de voir ses prérogatives remises en cause. Son souhait ? La mise en place d’une intercommunalité de projet dotée de syndicats de communes travaillant sur des problématiques particulières, comme le logement, les ordures ménagères ou le traitement des eaux… Des relations bilatérales entre la capitale et plusieurs municipalités franciliennes ont d’ores et déjà abouti à la création de 450 opérations de coopération, en concertation avec des collectivités de toutes tailles, sur des thèmes aussi différents que l’aménagement urbain, l’habitat, les transports ou les espaces verts. Ces coopérations contribuent à créer une culture commune qui transcende les limites territoriales au sein d’un espace politique partagé.
Au chapitre des recommandations, la commission Attali prône un Grand Soir territorial, marqué par la suppression conjointe du département et de la commune. La Région hériterait ainsi de l’essentiel des compétences dévolues au Conseil général. Les collectivités locales pourraient elles aussi passer à la trappe, au profit de « super-communes » dont les représentants seraient élus au suffrage universel. Sans aller aussi loin, la création du Grand Paris, qui regrouperait la ville-centre et 78 communes alentour, supposerait des sacrifices financiers très élevés pour les communes riches et l’agglomération parisienne. Sans parler de l’investissement annuel de l’État qui pourrait atteindre plusieurs millions d’euros… C’est le constat que dressent les élus de gauche, réunis dans le cadre de la Conférence métropolitaine initiée par Bertrand Delanoë. Chacun doit pouvoir tirer profit des créations de richesses assènent-ils avec raison, pointant au passage la question essentielle du débat en cours.
Avec 6 millions d’habitants, le bassin francilien concentre l’essentiel de ses ressources fiscales (80 %) de la taxe professionnelle perçue par la capitale et les Hauts-de-Seine qui concentrent à eux seuls près des deux tiers de la population totale. La Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne ne disposent guère que des 20 % des richesses restantes. Difficile, dans ces conditions, de faire l’économie d’une mutualisation au moins partielle des ressources. D’aucuns proposent donc la mise en place d’une taxe professionnelle unique (TPU) visant à compenser les inégalités financières. Elle aurait pour principal effet de redistribuer les richesses au sein du Grand Paris, même si certains élus craignent clairement un départ des entreprises vers le grand est parisien. Autant dire qu’un dispositif de partage des ressources reste à trouver, en refondant les mécanismes de péréquation mis à mal sur l’ensemble du périmètre concerné. À charge, pour l’État, d’assumer ses responsabilités à travers des dotations budgétaires équivalentes à celles des autres intercommunalités françaises.
L’intérêt d’une reconfiguration d’ensemble, pour Chevilly-Larue et ses voisines du pôle Orly-Rungis, est de tirer parti de la centralité parisienne, sans négliger pour autant les différents bassins de vie environnants qui doivent être dotés de moyens proportionnels à leurs besoins. Plusieurs élus de la petite couronne se disent favorables à l’émergence d’une « Métropolis » intégrant toutes les communes de l’Île-de-France. Ils sont par ailleurs convaincus de la pertinence d’élargir les frontières des quatre départements centraux avec celui de la Seine qui couvre la quasi totalité de la capitale. Ce qui permettrait, selon eux, de régler de graves problèmes, comme celui du logement. Jean-Paul Huchon mise, pour sa part, sur le couple Région/intercommunalité, en augmentant le nombre de communes regroupées, sans pour autant sacrifier des outils aussi essentiels que le syndicat des transports régionaux.
Au-delà des divergences que suscite ce débat, cette intercommunalité de projet qu’une large majorité d’élus de gauche appelle de ses vœux n’aura de sens que si elle aboutit à la mutualisation des mécanismes de redistribution des richesses entre des territoires soumis à des conditions de richesse pour le moins disparates. Transport, logement, emploi sont des enjeux urgents à examiner pour déterminer la pertinence d’une organisation métropolitaine conçue à la bonne échelle. Seule certitude : personne ne doit être exclu d’une réflexion visant à associer tous les acteurs du développement du territoire francilien autour d’un même projet.
II - Le Val-de-Marne, terre de projets :
Passer d’une culture de l’adaptation, sous contrainte, à une culture collective de l’anticipation. La formule est de Jean-Louis Levet, économiste et directeur de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES). Les Val-de-marnais pourraient se l’approprier tant elle décrit l’exigence qui est la leur en matière de développement. Loin de la caricature qui tend à dessiner une région francilienne divisée entre territoires riches, à l’Ouest, et pauvres, à l’Est. Et ce, même si l’activité économique domine à l’Ouest, et que l’Est a beaucoup contribué à l’effort de construction de logements, contraignant ainsi plusieurs millions de franciliens à traverser la région de part en part.
Au-delà de ce déséquilibre qui se manifeste par un déplacement incessant de l’emploi vers la grande couronne et de la difficulté pour le département à fixer les catégories sociales intermédiaires, le département s’est singularisé par des dynamiques territoriales fortes.
L’Assemblée générale du Conseil de développement du Val-de-Marne du 9 mars 2007 n’a à cet égard pas manqué de pointer certaines idées reçues. Exemples à l’appui. La Vallée scientifique de la Bièvre soutient ainsi un projet d’aménagement et de développement sur le renforcement du pôle santé, au profit d’un meilleur maillage du territoire et de ses composantes dans le cadre d’un concept de « campus urbain » promis à un bel avenir. Classée au rang de priorité par le Conseil général, la Région et l’État, l’opération d’intérêt national Orly-Rungis/Seine-Amont qui nous intéresse ici directement, joue pour sa part un rôle capital en matière d’équipement et d’activité économique. Au même titre que le pôle de Créteil dans la Plaine centrale qui entend conforter le rôle de chef-lieu de la préfecture et de son parc tertiaire dans l’économie francilienne.
D’autres initiatives suffisent à démontrer la singularité du territoire : les Hauts du Val-de-Marne, situés en limite du cœur de l’agglomération francilienne, ont manifesté ainsi depuis longtemps déjà la volonté d’une plus forte intégration au sein des dynamiques de développement régional. De même, le Plateau briard témoigne d’une volonté de trouver un juste équilibre entre espace urbain et résidentiel et activités agricoles.
Une priorité politique anime l’ensemble des acteurs : le rééquilibrage est-ouest. Or, le SDRIF s’appuie sur une logique de spécialisation et un cœur d’agglomération renforcé. D’où la nécessité, pour le département, d’inscrire sa stratégie de développement dans un cadre collectif. Ce n’est donc pas tant en termes de divisions qu’en matière de répartition des bassins de vie qu’il convient de conduire notre réflexion, en incluant des transports efficaces, sécurisés et ponctuels, des logements pour tous, des emplois, des loisirs et un environnement de qualité. Le rééquilibrage du territoire est une priorité qui fonde notre engagement commun. Avec plusieurs objectifs à la clé : lier logements et activité économique, améliorer et remodeler l’offre de transports, garantir à tous un environnement de qualité. Le premier défi répond à une urgence sociale. Le SDRIF doit aboutir à la construction de 60 000 logements par an. Ce qui transite par un ambitieux programme de construction, la définition d’une géographie de la production, la diversification de l’offre et l’amélioration de l’existant.
Dans ce contexte, le Conseil général du Val-de-Marne mène depuis plusieurs décennies une politique volontaire de réhabilitation et de soutien à la construction en dépit d’une crise de l’habitat qui s’est amplifiée au cours des dernières années. Nous ne pouvons que nous en féliciter, à l’heure où l’exécutif consacre des sommes de plus en plus importantes à l’hébergement précaire de familles sans logement. « Pour poursuivre notre effort en matière de réhabilitation, nous avons dû cesser de conditionner notre intervention à celle de l’État », nous confiait il y a peu Jean Favier. « Sur la période 2006-2010, nous avons doublé notre effort financier, pour atteindre 126 M €. Pour que cette politique puisse aboutir, il faudra que l’État fasse lui-même un effort sur le plan du foncier, et qu’il mette à disposition, au titre de nouveaux projets urbains, les terrains d’emprise dont il est propriétaire à l’est du département, sur l’ancien projet routier de voie de desserte orientale. Des projets du même ordre, incluant des logements sociaux, pourraient être menés dans le cadre de l’opération d’intérêt national (OIN) qui se met en place sur le territoire de Seine-Amont ».
Que faire pour résorber les inégalités entre ces communes qui s’exonèrent de tout effort et celles qui supportent l’essentiel du travail de solidarité ? Nous sommes convaincus, pour notre part que la priorité doit être l’accès de tous aux équipements et aux transports. Lesquels constituent autant un impératif économique que social et environnemental, au service d’une logique de rééquilibrage. Le SDRIF suggère, en particulier, la création de lignes de métros, de tramways, de voies ferrées, de transports en commun en site propre qui relèvent du bon sens. Mieux, il défend le projet ferré ARC EXPRESS censé améliorer les transports de banlieues à banlieues.
Le Conseil général a défini son propre Schéma départemental d’aménagement au terme d’une large concertation des acteurs économiques et institutionnels, avec la population. Il constitue sa contribution à la révision du SDRIF. Sans oublier les grands projets qu’il entend mener à bien : prolongement de la ligne n° 8 du métro, TVM, tramway Villejuif-Athis-Mons, TCSP Pompadour-Sucy-Bonneuil… Ou bien encore le projet de métro en rocade en première couronne, ORBIVAL, destiné à améliorer sensiblement le transport de banlieue à banlieue. C’est bien avec ces infrastructures qui permettent le développement économique et la création de richesses, que la redistribution et la correction des inégalités sociales peuvent et doivent prendre forme.
III – Quelques pistes pour avancer :
Dès 1999, les communes d’Ablon-sur-Seine, Chevilly-Larue, Choisy-le-Roi, Orly, Rungis, Thiais et Villeneuve-le-Roi ont engagé une réflexion sur les types de coopération intercommunale susceptibles d’être engagés à l’échelle de ce périmètre. Au terme d’une première série d’études visant à établir les perspectives fiscales et administratives d’une éventuelle intercommunalité au sens de la loi Chevènement, les sept communes sont convenues de s’associer au sein d’un syndicat d’études qui a été créé par arrêté préfectoral n° 2004-62 du 26 janvier 2004. Objectif : conforter l’attractivité des équipements et des zones d’emploi du pôle Orly-Rungis, autour de la plate-forme aéroportuaire et du Marché d’intérêt national (MIN), tout en développant les solidarités qui en découlent pour les populations des villes concernées. Les sept villes forment un ensemble de 130 000 habitants, composé de communes de petite taille (Ablon et Rungis) et de taille moyenne. La plus importante, Choisy-le-Roi, totalise 34 000 habitants. Fort de ce constat, la constitution d’une nouvelle structure de coopération devrait permettre de répondre à des enjeux et à des besoins liés, pour l’essentiel, à l’emploi et la formation, les transports, les traitements de déchets et ordures ménagères, l’environnement, la coopération des services publics locaux, le développement économique ou bien encore la sécurité. S’ensuit la nécessité de bâtir un projet territorial et des projets communs avant de se concentrer sur le choix de la structure adéquate.
Pour ce qui nous concerne, nous nous élevons très clairement contre une vision concentrique du développement de la capitale et de la petite couronne. Cette politique aurait pour principale conséquence d’éloigner un peu plus encore les catégories de populations les plus modestes du territoire francilien. À cela, nous opposons un modèle polycentrique et ouvert, privilégiant la mixité urbaine et démographique, propice à un meilleur équilibre environnemental et une plus grande diversité de l’habitat.
En l’état, l’intercommunalité est une réforme inaboutie qui demande d’autant plus de correctifs que son succès a été important. Ce n’est d’ailleurs pas seulement en raison de son contenu que de son insertion dans un système local caractérisé par une sédimentation institutionnelle rendue souvent inopérante. Il nous semble ainsi indispensable de mieux répartir les richesses à l’échelle francilienne et de concevoir des mécanismes de péréquation plus justes, sans pour autant bousculer l’équilibre existant entre départements et communes.
Pour le reste, nous ne pouvons que soutenir la démarche du SIEPOR visant à encourager le développement d’une offre immobilière spécifique à destination des PME-PMI, sur le territoire Chevillais. Il nous semble également opportun de mener une réflexion approfondie afin d’aboutir à un pôle d’excellence sur le thème de Nutripôle, à Chevilly-Larue et Rungis, tout en développant les services aux salariés et aux entreprises, indispensables au maintien du tissu économique local. Sans oublier le soutien aux PME innovantes, l’encouragement à la création d’entreprises et le développement d’outils financiers à destination des TPE.
Quelques pistes parmi d’autres d’une politique propice à un développement équilibré des territoires impliqués dans cette intercommunalité de projet que nous appelons de nos vœux. Histoire surtout de lutter contre une baisse de l’emploi non compensée, pour l’heure, par les secteurs les plus porteurs, tels l’agro-alimentaire, les technologies de l’information, les services aux particuliers et la chimie-pharmacie-plastique. Et de poursuivre les efforts engagés en faveur de la tertiairisation de l’économie, en dépit de la rareté du foncier disponible, via la construction de bureaux à Choisy-le-Roi, Rungis et Chevilly-Larue.
Bruno Tranchant
Maire-adjoint en charge de la Communication et de l’Intercommunalité