« Les 200 €, on les a attrapés » Après cinq semaines de grève, les Guadeloupéens ne font pas mystère de leur soulagement. Un mois et demi de grève, c’est long. Le jeu en valait cependant la chandelle, d’autant que Matignon a validé le principe d’un accord régional interprofessionnel sur les salaires visant à revaloriser de 200 € nets les plus bas salaires. Cet ultime coup de pouce s’ajoute aux contributions des collectivités locales (50 €) et du patronat (entre 50 et 90 € exonérés de charges patronales et sociales).
Les volte-face gouvernementales et le départ précipité, début février, du Secrétaire d’État à l’Outre-Mer, Yves Jego, ont pourtant mis le feu aux poudres. Au point que le mécontentement a gagné la Martinique et la Réunion.
Urgence
En Guadeloupe, un collectif s’est créé autour d’une liste de 146 revendications, dont les principales - augmentation de 200 € des salaires dans le privé, hausse des petites retraites et des minima sociaux pour les personnes handicapées, lutte contre la vie chère - figuraient au cœur des discussions. En écho, les élus socialistes et apparentés ont affirmé « l’impérieuse nécessité de réécrire la loi de développement de l’Outre-Mer » pour répondre aux problématiques urgentes auxquelles les ultramarins sont confrontés et engager un débat de fond sur les évolutions qui s’imposent.
Il y a urgence, d’autant que l’héritage du passé colonial n’a jamais été digéré. En témoigne le nombre anormalement élevé de jeunes guadeloupéens diplômés, écartés, pour la plupart, des postes à responsabilités. Sans compter qu’une majorité de dirigeants sont des descendants de propriétaires d’esclaves issus de la métropole et favorisant l’embauche, à compétences égales, de cadres blancs. Ce sentiment d’abandon s’est exprimé, ces dernières semaines, au travers d’un conflit ethnique et social dont les principaux animateurs revendiquent la présence, sur place, d’autorités administratives indépendantes.
Désengagement
En visite dans les DOM, une délégation socialiste, composée de Christian Paul, président du Laboratoire des Idées, Arnaud Montebourg, Secrétaire national en charge de la Rénovation, Benoît Hamon, porte-parole du PS, et David Lebon, directeur de cabinet adjoint de Martine Aubry, ne s’est pas privée de pointer les conséquences prévisibles de cette crise. « Nous sommes allés aux Antilles et à la Réunion pour témoigner sur la gravité de la crise sociale qui touche ces territoires, confie ainsi Christian Paul. Elle doit beaucoup au désengagement de l’État et au comportement du gouvernement qui a déserté son rôle de négociateur ».
Pour exceptionnelle qu’elle soit, cette situation nécessite un effort conséquent… « Il ne faudrait pas que la majorité cède à la tentation de diaboliser les mouvements qui s’expriment, car cela ne correspond en rien à ce que nous avons vu sur place », poursuit le député de la Nièvre. « À la Réunion, les problèmes de la vie chère sont décuplés par rapport à ce que nous connaissons en métropole et il y a une absence des pouvoirs publics, renchérit Arnaud Montebourg. Le gouvernement a trop longtemps laissé pourrir la situation ».
Un Comité Outre-Mer vient justement de voir le jour auprès de la Première secrétaire. Coordonné par le député de l’Essonne, François Lamy, il sera composé des premiers secrétaires fédéraux et des élus d’Outre-Mer. Avec l’ambition de « réfléchir à un développement spécifique des DOM et à leur évolution », selon les propres termes de Martine Aubry.
Bruno Tranchant
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