D’un krach boursier à l’autre
jeudi 13 novembre 2008 par B.TRANCHANT
24 octobre 1929. Wall Street est en ébullition. En ce « jeudi noir », l’effondrement des cours de la Bourse retentit comme une véritable bombe. Un krach, aux dires des milieux spéculatifs, pris subitement dans un mouvement de panique. La crise s’étend à l’ensemble de l’économie américaine, puis à l’échelle planétaire, comme une traînée de poudre. L’activité diminue dans tous les pays, suivie d’une dépression qui s’étendra sur près d’une décennie.
L’effet « boule-de-neige » conduit à un effondrement du cours des actions. Cette situation singulière entraîne une faillite des banques, qui ont largement spéculé en Bourse, une paralysie du crédit et une crise industrielle de surproduction, d’autant plus forte que l’endettement des Américains et des entreprises s’était lourdement accru dans les années 1920.
Faillite
Comment en est-on arrivé là ? Deux jours avant que ne survienne l’irréparable, un illustre économiste, du nom d’Irving Fisher, s’est voulu rassurant, affirmant que le prix des actions était encore trop bas. Après dix-huit mois d’agitations, les spéculateurs ne croient toutefois plus guère en une hausse infinie des cours. C’est désormais à qui se débarrassera au plus vite de ses actions qui perdent en moins de temps qu’il ne faut 43 % de leur valeur ! Les experts assurent pourtant qu’un effondrement de la Bourse ne peut, en aucun cas, affecter « l’économie réelle ».
Erreur… Personne ne se doute, en effet, que le monde occidental est entré dans un marasme économique sans précédent. Plusieurs centaines de ménages ont emprunté sans compter pour spéculer en Bourse et comptent rembourser leurs dettes en mettant leurs actions en vente. Avec la chute des cours, ils se retrouvent subitement ruinés. Les banques se déclarent en faillite. Commerces et entreprises entrent à leur tour dans la tourmente. La production industrielle s’effondre, les prix baissent de deux tiers. Les États-Unis comptent bientôt 13 millions de chômeurs qui, faute de cotisations sociales, doivent s’en remettre à la charité publique, pour une bonne partie d’entre eux.
Le monde entier est touché. Conséquence directe de la chute des cours, du rapatriement des capitaux américains, du protectionnisme et de la chute des prix sur le marché mondial. En Allemagne, la crise a commencé dès 1928 : les capitaux américains doutant de sa stabilité, se sont tournés vers Wall Street. Le chômage qui frappe de plein fouet les classes moyennes favorise la montée électorale du parti nazi et de son chef de file, Adolf Hitler, pourtant mal en point, qui accèdera au pouvoir trois ans plus tard. Avec les conséquences que l’on sait…
Similitudes
Il faudra attendre ensuite plus d’un demi-siècle et 1987 pour connaître un mouvement d’une amplitude comparable. Sinistre journée du 19 octobre durant laquelle l’indice Dow Jones de la Bourse de New York perd 22,62 % de sa valeur en l’espace d’une séance, sous l’effet de la remontée brutale des taux d’intérêt à long terme. Le précédent record datait… du 25 octobre 1929.
Pendant l’été, la tension accrue entre les besoins d’emprunts de l’économie américaine et les disponibilités d’épargne des marchés mondiaux a provoqué une hausse rapide des taux d’intérêt. Ce phénomène brise d’un seul tenant un mouvement important de spéculation boursière, dans la mesure où les frais financiers hypothèquent désormais gravement les rendements des placements. Le 19 octobre, ces perspectives nouvelles provoquent un krach boursier de grande ampleur qui entraîne dans son sillage la plupart des marchés financiers mondiaux. Tant et si bien que la baisse des indices boursiers locaux s’élève à 26,4 % au Royaume-Uni et à… 45,8 % à Hong Kong !
Étrange similitude avec le précédent de 1929 qui a plongé le globe dans un immense marasme économique. Ce qui vaut aujourd’hui aux observateurs d’employer l’expression « Lundi noir » pour désigner ce sinistre jour d’octobre 1987, en référence au « Jeudi noir » du 24 octobre 1929. À cette différence près qu’après la chute brutale sur le marché des actions, le krach de 1987 n’a pas été suivi d’une crise économique généralisée. Mieux : les principaux pays de l’OCDE ont connu, l’année suivante, une hausse de leur taux de croissance. Le pire n’est jamais sûr…
Bruno Tranchant