La filière agricole dans le rouge !
vendredi 30 octobre 2009 par B.TRANCHANT
À l’heure où les filières agricoles doivent faire face à une crise sans précédent, Germinal Peiro, Secrétaire national en charge de l’Agriculture, pousse un cri d’alarme et appelle à la mise en œuvre de véritables mesures d’urgence.
Les paysans sont inquiets et ne se privent pas de le faire savoir. D’autant que la situation devient franchement intenable et que toutes les productions sont désormais touchées par la crise. Dans le viseur, les revenus soumis, cette année encore, à une purge comprise entre 10 et 20 %. Une de plus ! Franchement anxiogène, à l’heure où l’agriculture représente près de 3,5 % du produit intérieur brut (PIB), tandis que l’excédent commercial de l’agroalimentaire a diminué de 48 % au cours des huit premiers mois de l’année. « La situation est catastrophique, tempête Germinal Peiro, Secrétaire national en charge de l’Agriculture. Plusieurs filières sont en crise et on ne voit pas se dessiner d’amélioration à moyen terme. À ce rythme, plusieurs centaines de milliers d’emplois seront perdus dans le secteur, dans les quatre ou cinq prochaines années ».
Concurrence déloyale
Céréales, lait, viande bovine ou porcine, fruits et légumes, viticultures… La plupart des productions subissent de violentes chutes de cours, au risque de voir disparaître les exploitants les plus jeunes et les plus dynamiques, ceux qui viennent de se lancer à renfort d’emprunts. « Dans le secteur des fruits et légumes, plusieurs milliers d’exploitations sont sur le point de déposer leur bilan, déplore le député de Dordogne. Les agriculteurs travaillent à perte. Preuve que le chef de l’État n’a pas pris la mesure de la situation ». Ce faisant, il crée un sentiment de désespoir au sein d’une profession où plus rien ne marche.
Autant dire que le discours fondé sur la valeur « travail » et la dénonciation de l’assistanat, pourtant si efficace en 2007, ne produit plus le moindre effet sur cette frange d’un électorat devenu subitement volatile. « Jusqu’ici la profession était protégée par la Politique agricole commune (PAC) qui lui apportait son soutien, tout en assurant la préférence communautaire, via le maintien de droits de douane aux frontières de l’Europe, analyse Germinal Peiro. Cette politique protectionniste explose peu à peu. En décidant de baisser ses soutiens, de démolir les outils de régulation les uns après les autres et d’ouvrir les marchés, l’Europe tourne résolument le dos à la PAC ». Avec, pour principale conséquence, une baisse de 65 % de l’importation de viande bovine. « Il devient de plus en plus difficile, pour l’agriculture européenne, de rester compétitive pour des raisons de coûts salariaux, renchérit l’élu socialiste. L’exemple vaut également pour nos exploitants confrontés à la concurrence de pays aux conditions géographiques, climatiques et sociales différentes des nôtres ».
Aménagements
Situation d’autant plus regrettable que la concurrence « intra » européenne fait rage sur le Vieux Continent. Elle se traduit, en particulier, par une absence totale d’harmonisation fiscale et sociale. Dans la filière « fraise », un employé saisonnier du Périgord perçoit ainsi, en 2009, un salaire horaire de 12 €, contre 7 € à son collègue allemand ou espagnol. « C’est intenable !, soupire Germinal Peiro. À ce rythme, l’agriculture française ne résistera pas à l’ouverture des marchés mondiaux ».
Des aménagements s’imposent. Parcourir 22 000 kilomètres pour livrer dans les réseaux de distribution français des viandes d’origine néo-zélandaises peut paraître absurde à l’heure où les éleveurs écossais disparaissent sous le sceau de la concurrence. Le raisonnement vaut aussi pour l’importation de pommes et châtaignes chinoises, de poires sud-africaines, de raisins et de cerises chiliens. « La préservation de la planète doit être notre priorité, affirme Germinal Peiro. Et l’environnement un facteur correcteur du capitalisme. Il est temps d’insuffler des critères sociaux dans les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ». Et le député socialiste de suggérer la mise en œuvre d’un système de taxation propre aux transports dans le cadre de l’OMC. « Les transports maritimes et aériens ont été exclus du protocole de Kyoto, signale-t-il. C’est scandaleux ! D’autant que ce secteur est de loin le plus polluant ».
Le temps est donc venu de « relocaliser » la production agricole. À quelques semaines du Sommet de Copenhague, la France doit impérativement changer de cap, en contribuant à la lutte contre le réchauffement. « Faute de quoi, la moitié de l’agriculture européenne disparaîtra, prévient l’édile. Avec, en prime, des problèmes sociaux insurmontables, l’aggravation de la situation environnementale et la condamnation des pays du Sud ».
Courte vue
Pas sûr que le Chef de l’État ait saisi la réalité de la situation. En détaillant à Poligny, dans le Jura, son plan d’urgence « massif » (650 millions d’euros) pour une agriculture en plein marasme, à coup d’aides publiques et de prêts bancaires préférentiels, il a certes soulagé les paysans face à la baisse des prix, palliant ainsi momentanément aux incidents de paiement, mais négligé l’essentiel. « Ce plan va dans le bon sens, mais jamais un plan ne remplacera une politique des prix pour assurer un bon revenu à nos paysans », a aussitôt réagi Jean-Pierre Lemétayer, président de la FNSEA. En écho, la Coordination rurale, en pointe sur la crise laitière, regrette que les « moyens ne suivent pas les ambitions », tandis que la Confédération paysanne fustige des « réponses beaucoup plus conjoncturelles que structurelles ». « Le Président nous a habitués à parler d’autant plus fort qu’il était impuissant à agir, constate Germinal Peiro. Son discours n’augure rien de bon ». La vraie difficulté réside dans la mise en œuvre de réformes audacieuses pour endiguer la crise, veiller au renforcement des filières françaises et à une véritable contractualisation entre producteurs et industriels. Sans parler de l’exigence de relocalisation, gage d’une répartition harmonieuse de l’activité sur tous les continents, et l’intégration du coût carbone dans les échanges. « La crise de notre agriculture est le résultat de choix politiques successifs de la droite en inadéquation totale avec la situation des agriculteurs », brocarde François Rebsamen, Sénateur-maire de Dijon. Avant de pointer la loi d’orientation de 2006, qui s’est employée à faire des exploitations des entreprises à part entière, soumises aux dérives libérales, et la loi de modernisation de l’économie (2008) « dédiée à la relance de la consommation par la baisse des prix qui a favorisé les grands groupes de distribution ». « Les prix à la consommation n’ont pas baissé, par contre ceux payés aux producteurs ont terriblement diminué, poursuit-il. Dans les grandes surfaces, alors que le prix du lait s’est effondré, les prix de vente n’ont baissé que de 2 % ». Et de réclamer « une véritable transparence dans la fixation des prix agricoles. La France doit défendre une vraie politique publique européenne en matière agricole et européenne, seule capable de résoudre durablement les problèmes de nos agriculteurs », conclut François Rebsamen.
Bruno Tranchant
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