30 ans après… Les premières élections européennes
jeudi 7 mai 2009 par B.TRANCHANT
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Juin 1979. Les électeurs s’apprêtent à désigner, pour la première fois, l’Assemblée européenne au suffrage universel direct. Le principe figurait déjà dans le Traité de Rome, en 1957, mais il a fallu attendre le sommet de Paris, en décembre 1974, pour passer à l’acte. « La France accepte ces élections moyennant la création d’un Conseil européen réunissant au moins trois fois par an les chefs d’Etat et de gouvernement », confie Jean-Marcel Bichat, ancien collaborateur de François Mitterrand. Chaque pays organise le scrutin à sa guise. Et tous optent pour la représentation proportionnelle, à l’exception notable du Royaume-Uni, fidèle au scrutin uninominal à un tour.
Alliances
« Dans les neufs États [1] qui composent l’Union, les élections, dominées par des préoccupations de politique intérieure, sont transformées en une sorte de vaste sondage d’opinion, poursuit l’intéressé. Le RPR et le PCF sont plus que réservés sur cette élection et sur le principe de la construction d’une Europe politique, mais l’opinion est loin de ces débats ».
Dans l’Hexagone, onze listes sont en lice. Les quatre principales sont représentées par les partis-phares : PC, PS, UDF et RPR. Arlette Laguiller, l’écologiste Solange Fernex, Jean-Jacques Servan-Schreiber, Philippe Malaud et Pierre Poujade, pour la droite, Tixier-Vignancour, pour l’extrême-droite, Huguette Bouchardeau, pour le PSU, et Jean-Edern Hallier complètent le tableau. Le reste est affaire de tactique. « Le PC cherche ainsi à s’allier avec un viticulteur catholique notoire, Maffre-Baugé, et l’UDF avec plusieurs ministres, ainsi que les maires de Lyon, Toulouse et Strasbourg, en sus de responsables socio-professionnels de l’agriculture, des PME et des CCI », renchérit Jean-Marcel Bichat.
La campagne débute sous l’œil attentif du gouvernement. Jacques Chirac, le premier, dénonce « une manipulation sans précédent des moyens d’information au bénéfice de la liste officielle ». Le PC mêle démagogie chauvine et polémique antisocialiste. « Le PS, encore plongé dans l’ambiance du congrès de Metz qui a vu s’opposer l’alliance Mitterrand-CERES au duo Rocard-Mauroy, doit convaincre qu’il est pour l’Europe, au même titre que l’UDF et Giscard qu’il combat sur le front de la politique intérieure », analyse Jean-Marcel Bichat. Chirac, encore lui, dénonce le « parti de l’étranger » dans son « appel de Cochin » d’un nationalisme outrancier, mais finit par mettre ses attaques contre le gouvernement Barre en sourdine.
Retard à l’allumage
Les résultats, validés par la commission nationale de recensement des votes, diffèrent des statistiques publiées par le ministère de l’Intérieur. L’UDF prend un siège au PS, ce qui conduit François Mitterrand à renoncer à son élection et à saisir le Conseil d’État. L’absence d’enjeu décisif et le mode de scrutin national, sans incitation locale à la participation, expliquent un abstentionnisme élevé, à hauteur de 38,8 %. « Le PC retrouve son score de 1978, gagne des voix dans le midi hostile à l’élargissement du Marché commun, mais perd dans ses bastions industriels et dans les villes qu’il administre, note Jean-Marcel Bichat. Marchais se satisfait d’avoir réduit l’écart avec le PS. L’Humanité ironise sur le « rêve évanoui » du PS, manifestement l’adversaire principal du PC ».
Les commentateurs s’accordent sur le succès de l’UDF, l’échec de Chirac, qui paie au prix fort ses contradictions, et la défaite du PS. « Avec 23,5 % des voix contre 28,9 % aux dernières cantonales, le parti d’Epinay connaît son premier recul », souligne l’ex-proche de François Mitterrand. Certains évoquent un « retard à l’allumage ». « Les observateurs oublient que si le PS recule dans ses principaux bastions, il résiste, progresse même là où il commence à peine à s’implanter ». « Nous sommes, et de loin, le premier parti de la gauche, la seule force de changement en France. », constate alors le Porte-parole du PS, Laurent Fabius. Ce que confirmeront les résultats de l’élection présidentielle de 1981.
Bruno Tranchant
Les votes de 1979 à 2004
1979 : Simone Veil (UDF-CNIP) 27,61 %, 25 élus, François Mitterrand (PS-MRG) 23,53 %, 22 élus, Marchais (PC) 20,52 %, 19 élus, Chirac (RPR-CNIP) 16,31 %, 15 élus.
1984 : Simone Veil (RPR-UDF-CNIP) 43,02 %, Lionel Jospin (PS) 20,76 %, Georges Marchais (PC) 11,20 %, Jean-Marie Le Pen (FN) 10, 9 5 %. La liste unique de la droite autour de la centriste Simone Veil, que la droite extrême assimile à une femme juive, symbole du droit à l’avortement, offre un boulevard à Le Pen qui obtient 10 élus, soit autant que le PC.
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1989 : Giscard d’Estaing (RPR-UDF-CNIP) 28,88 %, Laurent Fabius (PS-MRG) 23,61 %, Le Pen 11,76%, Waechter 10,61% (meilleur score des Verts), Simone Veil (UDF) 8,42%, Herzog (PC) 7,74%
1994 : Baudis (RPR-UDF-CNIP) 25,58%, Michel Rocard (PS) 14,49 %, De Villiers 13,05 %, Bernard Tapie (MRG) 12,03 %, Le Pen 10,52 %, Wurtz (PC) 6,89 %.
1999 : François Hollande (PS-MDC-PRG) 21,95 %, Pasqua-de Villiers (RPF) 13,05 %, Sarkozy (RPR-DL-Génération Ecologie) 12,82 %, Cohn-Bendit (Verts) 9,72 %, Bayrou 9,28 %, Hue (PC) 6,78 %, Le Pen 5,69 %, Laguiller-Krivine 5,18 %.
2004 (réforme Raffarin, 8 circonscriptions) : PS 28,9 % (31 élus sur 78 sièges), UMP 16,6 % (17), UDF 12 % (11), FN 9,8 % (7), Verts, 7,4 % (6), MPF 6,7 % (3), PC 5,9 % (3).
[1] Allemagne, Belgique, Danemark, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Royaune-Uni.