ps chevilly larue

Les congés payés, passeport pour l’évasion

jeudi 13 novembre 2008 par B.TRANCHANT

Jean-Marcel Bichat, délégué national à l’Histoire, auprès du Premier secrétaire, évoque l’avancée spectaculaire constituée par les congés payés, en dépit des nombreuses résistances du patronat. Institués, en 1936, par le Front populaire, ils ont permis à plusieurs milliers d’employés de partir à la découverte du pays. _


Peu de personnes le savent. Pourtant, lorsque le Front populaire parvient enfin au pouvoir, un certain nombre de salariés - fonctionnaires et employés pour la plupart - bénéficient déjà de « vacances payées » depuis le début du siècle.
Oui. Beaucoup d’usines fermaient d’ailleurs leurs portes en août durant une ou deux semaines, les ouvriers n’étant pas rémunérés en retour. Par principe, le patronat était hostile aux congés payés. Les projets de loi qui furent déposés par la suite pour favoriser leur mise en œuvre furent systématiquement repoussés par le Sénat.
Ces mêmes congés furent institués dans de nombreux pays entre 1900 et 1930, sans pour autant figurer au rang des priorités du mouvement ouvrier français. La crise économique des années 30 avait en effet placé le chômage en tête de leurs préoccupations. C’est toutefois Léon Jouhaux, Secrétaire général de la Confédération générale du travail, qui, le premier, en avait préconisé l’instauration dans les années 20.

Plus surprenant, le « Programme de revendications du Rassemblement populaire », adopté le 10 janvier 1936, ne fait aucune mention aux congés payés…
C’est un texte de compromis modéré dans son chapitre économique. En revanche, le programme socialiste est à la fois plus hardi et plus précis. La SFIO s’associe aux revendications du Rassemblement populaire, et dans le domaine social, mentionne les contrats collectifs et les congés payés qui n’apparaissent pas dans ce programme.
De leur côté, les communistes manifestent un souci de grande modération. Sur presque tous les points, leur programme se situe en retrait par rapport à celui de la SFIO. Ils portent alors une grande attention aux classes moyennes et ne souhaitent pas heurter les radicaux, même si leur discours anticapitaliste est parfois très violent. En fait, le PC s’aligne sur la politique extérieure de Staline qui souhaite pour la France un bon gouvernement républicain et modéré, capable de s’opposer efficacement au péril fasciste.

Quand la revendication des congés payés apparaît-elle pour la première fois ?
À l’occasion des grèves de mai-juin 1936. Lors de la signature des accords Matignon, le 7 juin, Blum annonce le dépôt d’un projet de loi. Ce texte est voté le 11 juin par la Chambre des députés et le 17 par le Sénat. Il est promulgué le 20 juin suivant. Dès lors, un congé payé de quinze jours, dont douze ouvrables, est instauré pour tout salarié ayant accompli un an de services continus dans l’entreprise. Ceux qui n’ont que six mois d’ancienneté ne bénéficient, pour leur part, que d’une semaine, dont six jours ouvrables.

La classe ouvrière accède au temps libre, mais les moyens dont elle dispose pour profiter à plein des droits que lui concède la gauche restent à ses yeux insuffisants…
En 1937, malgré les augmentations de l’année précédente, une bonne moitié du budget ouvrier se concentre sur les biens alimentaires. Ce sont surtout les jeunes qui profitent du temps libre. Ils enfourchent tandems et vélos - certains vont même à pied - et plantent leurs tentes sur les bords de la Marne. Les plus hardis se risquent jusqu’à la plage. Plusieurs milliers de travailleurs prennent subitement le chemin des vacances grâce à Léo Lagrange, sous-secrétaire d’État chargé de l’« organisation des loisirs et des sports ». Le « billet populaire de congés annuel » est mis en vente dés le 3 août. 550 000 personnes, en 1936, puis 907 000, en 1937, partent ainsi à la découverte des bords de mer, des stations de montagne, des monuments célèbres ou des villages.

Il faut ensuite attendre la Libération pour que la revendication d’une semaine supplémentaire de congés payés figure au rang des préoccupations ouvrières.
Véritable « laboratoire social » avec, à sa tête, Pierre Dreyfus, la régie Renault accorde à ses salariés, en 1955, une troisième semaine. Et, contre l’avis des pouvoirs publics, une quatrième, sept ans plus tard. Elle entraîne dans son sillage plusieurs autres entreprises. Le gouvernement généralise cette mesure par les lois du 27 mars 1956 (Guy Mollet), puis, du 17 mai 1969 (Maurice Couve de Murville). « Vous n’avez aucun sens de la discipline, mais vous avez bien fait » confiera De Gaulle à Pierre Dreyfus.
En juin 1981, ce même Pierre Dreyfus devient ministre de l’Industrie du gouvernement Mauroy. Dès lors, la cinquième semaine de congés payés est sur les rails. Elle sera instaurée par l’ordonnance du 13 janvier 1982.

Propos recueillis par Bruno Tranchant


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