ps chevilly larue

Le retour aux dures réalités

lundi 10 novembre 2008 par B.TRANCHANT

À l’heure où le Parlement s’apprête à examiner, en première lecture, le Projet de loi de finances (PLF) 2009, le gouvernement use de la crise économique pour justifier l’instauration de mesures d’austérité et l’amplification d’une politique de classes qui ne dit pas son nom. Le point avec Michel Sapin et Didier Migaud, autour de cinq questions-clés.

Ce texte n’est pas à la mesure de la crise financière que traverse le pays.
Le PLF que le gouvernement s’apprête à défendre à l’Assemblée ne prévoit aucun dispositif de soutien de l’activité. Pis, les principaux postes censés soutenir l’investissement et l’emploi voient leurs budgets réduire comme peau de chagrin. «  Les mesures prises pour sauver dans l’urgence le système interbancaire vont dans le bon sens, même si nous devons obtenir des garanties et des contreparties pour limiter au minimum le coût de ce plan pour les contribuables, estime Didier Migaud, président de la Commission des finances, à l’Assemblée. En revanche, rien dans ce plan ou dans le projet de budget ne permettra de faire face à la crise économique et sociale que nous traversons. C’est le sens de l’abstention des socialistes, qui traduit à la fois notre sens des responsabilités - nous ne nous sommes pas opposés à l’adoption de ce plan -, et la condamnation de la politique économique et sociale menée depuis 2007 et que le gouvernement entend poursuivre malgré cette crise ».
Depuis plusieurs mois déjà, la France est en récession, le chômage augmente, le pouvoir d’achat recule, l’investissement des entreprises est au point mort… Et que fait la majorité ? « Elle s’apprête à geler la Prime pour l’emploi (PPE) et à dépenser plusieurs milliards pour alléger l’ISF ou les plus grosses successions !, peste le député de l’Isère. Au-delà du problème de l’injustice, c’est aussi la question de l’efficacité de cette politique qui est posée ».

Un projet de loi caduque
Ce budget est en « complète contradiction avec le ralentissement de la croissance et la montée en puissance du chômage », constate Michel Sapin, Secrétaire national en charge de l’Économie et de la fiscalité. « Il a été élaboré en juillet, à une époque où le gouvernement niait que la France puisse être touchée par la crise financière, renchérit Didier Migaud. Déjà, il a été obligé de reconnaître une dégradation du déficit budgétaire prévu pour 2008 de près de 20 % à cause des moins-values de recettes fiscales et d’une augmentation des dépenses, notamment de charges de la dette ».
Cette fois-ci encore, le gouvernement affiche un déficit public de 2,7 % pour 2009. « Comme si, quels que soient la croissance et le contexte, le compteur était bloqué à 2,7 !, déplore le député de l’Isère. Ce n’est malheureusement pas le cas et notre déficit dépassera les 3 % l’an prochain. Comment pourrait-il en être autrement avec une croissance qui ne sera, dans le meilleur des cas, guère supérieure à zéro ? Les projections économiques qui ont servi à préparer le projet de budget sont donc dépassées ».

Absence de soutien à l’emploi, nouveau tour de vis imposé à l’éducation, au logement et à la recherche… Le PLF n’augure rien de positif.
En 2009, ce sont 30 600 postes de fonctionnaires – dont 13 500 pour le seul secteur de l’éducation nationale – qui passeront à la trappe, en plus des 22 900 pertes en lignes enregistrées cette année. Tous les ministères verront leurs effectifs amputés, à l’exception de celui de la Justice. « En termes réels, la quasi-totalité des crédits des administrations baissera, et notamment ceux du travail, au moment où le chômage explose et ceux du ministère du Logement à l’heure où la construction s’écroule », tempête Michel Sapin.

Le creusement du déficit pose-t-il problème ?
Non, compte tenu de la récession dans laquelle le pays se trouve. Pas plus qu’il n’est synonyme de dépenses actives pour relancer la croissance, note Didier Migaud. «  Il est davantage le fait de largesses fiscales coûteuses et inefficaces ». Le paradoxe, c’est que la majorité arrive à conjuguer laxisme financier et austérité budgétaire !

Les choix gouvernementaux pèsent lourdement sur le pouvoir d’achat.
Le chef de l’État refuse d’agir sur les salaires et tente de booster le pouvoir d’achat en diminuant les prix et en débloquant l’épargne des moins nécessiteux. « Mais cela ne marche pas, souligne Didier Migaud. Dans les prix des biens et services, les salaires pèsent en moyenne pour deux tiers. Faire baisser globalement les prix, c’est donc en définitive peser sur les salaires ».
Une action est nécessaire pour contenir les loyers ou rendre obligatoire la prise en charge par l’employeur d’une moitié des frais de transport, poursuit le député de l’Isère. La hausse du pouvoir d’achat transite toutefois par l’augmentation des salaires. «  Les socialistes doivent être clairs et ne pas céder au chantage à la délocalisation : faudra-t-il aligner les salaires des ouvriers de Sandouville sur celui des Roumains pour que Renault renonce à son plan social ? Est-on certain que cela n’incitera pas Renault, ou d’autres, à s’installer hors de nos frontières ? Assurément non ».
Une augmentation des salaires et du SMIC, de la PPE, du Minimum vieillesse et des pensions de retraire paraît incontournable, au même titre que la suppression des franchises médicales. « Tout ceci a un coût, certes ! Mais mieux vaut dépenser près de 15 milliards par ce biais, pour relancer la consommation et la croissance, que de continuer à supporter le coût du paquet fiscal », affirme Didier Migaud.
Le paquet fiscal, principalement constitué de cadeaux aux plus aisés, coûte 15 milliards d’euros par an, hypothéquant toute capacité de soutien à l’activité économique et au pouvoir d’achat. « Le gouvernement ne peut se dédouaner de ses responsabilités sur la crise économique pour expliquer la dégradation de l’emploi, affirme Michel Sapin. L’absence totale de soutien à l’investissement et la priorité aux heures supplémentaires plutôt qu’aux embauches conduisent à une forte remontée du chômage ».

Une véritable saignée pour les collectivités territoriales.
Ce PLF « reporte les contraintes budgétaires liées pour une grande part à l’inefficacité de la politique gouvernementale sur les collectivités, dont les concours augmenteront à peine du montant de l’inflation, alors que l’investissement local demeure l’un des principaux vecteurs de la croissance », regrette Michel Sapin.
Constat similaire de Didier Migaud qui voit dans le nouveau tour de vis imposé aux élus une atteinte au pouvoir d’achat. «  Pis, en intégrant le Fond de compensation de la TVA (FCTVA) dans l’enveloppe normée des dotations, le gouvernement crée un mécanisme pervers qui fera que plus les collectivités investiront et plus elles seront pénalisées sur leurs dotations ! » Franchement inquiétant, à l’heure où elles mobilisent plus de 80 % de l’investissement public civil. « Étouffer financièrement les collectivités locales, c’est donc prendre le risque d’un ralentissement de l’investissement public, dont on sait qu’il soutient fortement les PME et donc l’activité, et d’une augmentation de la pression fiscale, alors que c’est la fiscalité locale qui est la plus injuste ! », conclut le parlementaire.

Bruno Tranchant


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